La permaculture à la portée de tous à Saida, Algérie
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Dans le cadre du développement durable local et de la promotion de l’agroécologie et comme je me suis engagé à le faire lors de la clôture de la rencontre sur la nutrition humaine organisée en mai à Saida, j’ai tenu à présenter cette fois-ci la permaculture sous le point de vue de l’autonomie alimentaire.
Je remercie vivement toutes les personnes qui ont bien voulu assister à cette modeste conférence et qui ont exprimé des points de vue pertinents qui ont enrichi le débat.
Avant de revenir sur les différents points abordés, je précise que notre action au sein de Réseau Saida Nature repose sur la conviction que le développement durable de Saida repose en partie sur les importantes potentialités que possède Saida en matière de production agricole et notamment en maraîchage. Actuellement, nous sommes très en deçà des véritables capacités de production. En outre, cela constitue un véritable gisement d’emplois stables qui attend d’être exploité pour offrir aux jeunes chômeurs des perspectives d’avenir tout en leur assurant une autosuffisance alimentaire qui leur permettra de fournir les efforts nécessaires en vue d’atteindre l’autonomie alimentaire. La formation aux métiers de la production agricole maraîchère est un autre débat qui devra être abordé dans le cadre du développement durable de Saida et de toutes les wilayas qui veulent offrir des perspectives d’avenir aux citoyens intéressés par ce secteur.
A quelque chose malheur est bon, dit-on. La crise financière qui frappe notre pays actuellement est peut-être le déclic qui va pousser les citoyens à compter sur eux-mêmes, à faire attention au gaspillage des ressources naturelles ou manufacturées, à investir leurs efforts dans des activités génératrices de revenus. Il est à espérer que le monde agricole algérien saisisse cette « occasion » pour se remettre en question et prendre les décisions qui permettront au secteur de s’adapter aux réalités actuelles. Notre agriculture n’a pas beaucoup évolué et ce qui est particulièrement inquiétant c’est l’absence quasi totale d’agriculteurs diplômés, instruits, ayant une approche agroécologique de la production agricole. Je le vérifie chaque jour dans la campagne Saïdéenne.
Par ailleurs, il ne fait aucun doute que l’agriculture conventionnelle commence à ne plus faire l’unanimité chez les consommateurs algériens. De plus en plus de voix s’élèvent pour appeler à la promotion d’une autre forme d’agriculture plus respectueuse de la terre et de la santé des êtres humains : Une agriculture moins agressive envers les sols, l’air, les cours d’eau et les personnes qui y travaillent, plus économe en ressources hydriques, plus responsable et plus juste dans la distribution des produits agricoles. L’agroécologie est cette forme d’agriculture qui correspond globalement à cette demande. Mais le monde agricole est-il prêt à écouter et à répondre positivement à cette demande où y viendra-t-il contraint et forcé par les conséquences d’une grave crise financière qui pointe à l’horizon.
L’abondance en fruits et légumes, viande, œufs et autres produits de la ferme obtenus le plus naturellement possible et sans le gaspillage énorme des ressources rares comme l’eau est-elle vraiment possible ? Réponse : oui c’est possible. Nous nous efforçons de le prouver par la création d’une micro-ferme en permaculture dans les environs de Saida.
Nous nous efforcerons de mener à bien une gestion raisonnable et raisonnée de la ferme Djenane al-Yasmine afin de quantifier avec précision les dépenses et les recettes et de faire le bilan financier. Nous aimerions démontrer qu’à l’instar des fermes de taille équivalente installées de par le monde et nonobstant les niveaux de vie inhérents à chaque pays, notre ferme peut être économiquement rentable dans la production de fruits et légumes et d’autres produits (viande, œufs, miel). J’aimerais rappeler que l’on n’est pas dans une logique de profit financier mais plutôt dans une logique d’autonomie alimentaire. La rentabilité est surtout recherchée à des fins pédagogiques afin de convaincre les habitants de nos campagnes, qui serons invités à vérifier par eux-mêmes in-situ, que la permaculture est à la portée de tous et que ce n’est pas une lubie de citadins écolos. Nous aurions réussi le jour où ils auront compris que c’est juste un moyen d’atteindre une autonomie alimentaire tout en dégageant des surplus destinés à
la consommation locale dans le cadre d’un commerce équitable. La permaculture est de l’agroécologie qui a évolué vers un concept holistique où la recherche d’une meilleure qualité de vie ne se fait pas au détriment de la nature et des écosystèmes qui nous entourent.
La permaculture n’est pas une science exacte, c’est même l’exemple type d’une discipline où l’observation fine de l’environnement immédiat et l’analyse des données conditionnent l’ensemble des décisions qui seront prises ultérieurement. En effet, chaque cas est unique, chaque parcelle est unique. En d’autres termes, on ne crée pas un système permacole « au p’tit bonheur la chance », l’imitation de la nature demande un sens aigu d’observation et d’analyse et encore plus un sens certain de la transposition à notre petite échelle des interactions écologiques entre les éléments qui composent le ou les écosystèmes sur lesquels nous comptons nous installer. Par contre, si les techniques diffèrent, les principes de la permaculture sont les mêmes pour tous et l’un des plus importants à mon sens est le principe de Bill Molisson : Travailler avec la nature et non contre elle.
Afin de mettre l’assistance au courant de ce qui se passe dans le monde, j’ai projeté un petit documentaire où les exemples de la Ferme normande du Bec Hélouin, le projet « Reverdir le désert » de Geoff Lawton et la permaculture de montagne de Holzer en Autriche ont été présenté ainsi que les interviews des Bourguignons, Lydia et Claude, qui ont démontré l’impact destructeur du labour profond sur le sol. J’aurais aimé leur montrer un exemple plus parlant, il s’agit d’un projet en permaculture au Maroc dans un village qui a profondément changé grâce à l’application des principes de la permaculture : ils ont réussi à transformer leur vie et à atteindre l’autonomie alimentaire tout en dégageant des surplus qu’ils vendent au marché tandis que les femmes du village ont créé une coopérative de fabrication de couscous. Bref, il ne s’agit pas comme l’a dit une personne au cours du débat « d’imiter les occidentaux. Ces gens-là étant beaucoup trop avancé que nous ». Non, il s’agit d’appliquer les principes universels de la permaculture pour créer des systèmes locaux pour des populations locales qui auraient tout à gagner et rien à perdre.
Encore une fois et au risque de me répéter, je suis absolument convaincu que la meilleure des façons d’amener les gens à changer de paradigme et à adopter la nouvelle approche agroécologique est de leur montrer par l’exemple vivant que ça marche.
J’ai projeté un petit diaporama des photos prises à la ferme et aussi celle du premier compost réalisé. L’assistance a favorablement accueilli l’idée d’un chantier participatif à la ferme avec un déjeuner sur l’herbe avec des produits du terroir. J’annoncerai l’évènement au moment opportun.
Convaincre par l’exemple, c’est ce à quoi je m’emploie depuis quelques temps et je serais bientôt rejoint par les nouveaux membres et adhérents de l’association Réseau Saida Nature. Si vous êtes intéressé prenez contact avec moi. Je vous remercie.
Hassen Ksantini