Négociations climatiques : accord a minima à Doha
![]() UNFCCC |
Après deux semaines de discussions, la conférence internationale sur le climat a finalement accouché d’un accord, encore une fois dans la douleur. Un accord qui permet la poursuite du Protocole de Kyoto mais qui ne contient aucun nouvel engagement financier global pour lutter contre le changement climatique. |
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Encore une fois, avant l’ouverture des négociations annuelles sur le changement climatique, les scientifiques, les ONG mais aussi, de façon plus surprenante, des Institutions internationales comme la Banque mondiale avaient tiré la sonnette d’alarme. Encore une fois, les dirigeants du monde ont fait la sourde oreille aux avertissements lancés sur les dangers d’une planète en surchauffe.
Pendant la première semaine, les négociations techniques ont piétiné et ce sont finalement les considérations politiques qui, une fois de plus, ont primé dans la rédaction de l’accord, laissée aux mains des ministres. Mais les oppositions très marquées de la Russie ou de la Pologne, notamment sur la question de « l’air chaud » – ces permis d’émissions de GES issus de la première période de Kyoto non utilisés sont estimés à 13 milliards de tonnes- ont empêché toute possibilité d’un texte ambitieux. L’Union européenne, empêtrée dans ses divisions avec la Pologne, n’a pu assumer le leadership qu’elle annonçait en amont du sommet. Quant aux Etats-Unis, ils ont semblé jouer aux abonnés absents. C’est donc au finish, au terme de plusieurs heures de prolongations, et surtout de manière peu orthodoxe que l’accord a finalement pu être conclu, par le vice-Premier ministre qatari présidant les négociations, Abdallah al-Attiya, qui a adopté à la tribune la série de textes sur le climat. Une méthode contestée par la Russie, qui a dénoncé un passage en force. Beaucoup de questions en suspens Qu’y a-t-il donc dans cet accord ? Pas grand-chose, estiment les ONG qui dénoncent particulièrement le manque cruel de financement nouveau pour lutter contre le changement climatique et ses impacts. Si le fonds vert a désormais un siège en Corée du Sud, et que son comité doit commencer ses travaux en 2013, la discussion sur les stratégies et les montants de financement a été reportée au mieux à la prochaine conférence, mais plus sûrement aux calendes grecques –« quand les circonstances financières le permettront », selon le texte-. Et ce, alors même que les fast-start (30 milliards de dollars sur la période 2009-2012) prenaient fin cette année et que rien n’est prévu avant les 100 milliards $ par an prévus à partir de 2020. Seuls l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, le Danemark, la Suède et la Commission européenne ont annoncé des montants concrets d’ici 2015, totalisant 6 milliards de dollars. Un montant largement insuffisant. « Adapter l’agriculture paysanne aux sécheresses répétées, construire des digues face à l’élévation du niveau des mers coûte très cher aux pays vulnérables. (…)Pour les populations pauvres qui subissent les impacts du changement climatique, c’est une trahison ! », s’insurge ainsi Alix Mazounie, chargée des Politiques internationales au Réseau Action Climat – France. Du côté gouvernemental, la France n’est guère plus enthousiaste : « Le résultat n’est clairement pas à la hauteur de l’urgence », a reconnu la ministre française de l’Environnement, Delphine Batho, qui négociait sur place avec Pascal Canfin, ministre délégué au développement et Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères.
Certes la poursuite du protocole de Kyoto, le seul cadre international sur le climat rappelons-le, est actée. Mais elle fait surtout œuvre de symbole et celui-ci n’est pas forcément positif. Après le Canada qui se retire officiellement du protocole (1ere période incluse), la Russie et le Japon ont entériné leur défection pour la deuxième période d’engagement. Résultat, Kyoto II ne concernera que 15% des émissions de CO2 de la planète (Union européenne, Australie, et 8 autres pays développés comme la Norvège, le Lichtenstein et la Suisse). La durée d’engagement, l’un des points de crispation lors de la Convention, a finalement été fixée à 8 ans au lieu des 5 demandés ardemment par les pays en développement. En guise de compromis, chaque pays est appelé à « réexaminer » ses objectifs chiffrés de réduction des émissions de GES en 2014, au plus tard. Mais aucune décision sur la comparabilité des efforts de réduction n’a été prise. Quant à l’épineuse question de « l’air chaud », elle n’a pas vraiment été résolue. Si l’Australie, l’UE, le Lichtenstein, Monaco et la Suisse ont annoncé qu’ils n’achèteraient pas ces crédits en surplus pendant la deuxième période, il n’est pas fait mention de ce qu’il adviendra au terme de celle-ci. Surtout ces crédits en surplus sont maintenus, à ce que demandaient les pays en développement qui soulignent leur contradiction avec l’objectif de réduction des émissions. Or, celui-ci est détenu principalement par la Russie, l’Ukraine et la Pologne, et aucun n’a l’intention de baisser les bras sur le sujet… Enfin, un programme de travail sur les pertes et dommages liés au changement climatique a été acté à la demande des pays en développement mais âprement combattu par les émergents, devenus les premiers émetteurs de gaz à effet de serre, ainsi que les pays développés, en premier lieu les Etats-Unis. Mais là encore, c’est à Varsovie, pour la COP 19, que les décisions ont été reportées. Et maintenant ? Au vu de cet accord a minima, peut-on vraiment croire à l’accord « global et ambitieux », que l’ONU appelle de ses vœux en 2015, sans doute à Paris? Un texte devant servir de base pour les négociations de cet accord qui doit encadrer les réductions d’émissions de GES des 195 Etats parties et non plus seulement les pays développés, doit être disponible avant mai 2015. Mais sans vouloir jouer les Cassandre, le lieu de la prochaine conférence, à Varsovie, la capitale de l’un des pays qui a le plus freiné les négociations de Doha, n’augure pas d’une conférence sous les meilleurs hospices. |
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Béatrice Héraud © 2012 Novethic – Tous droits réservés |
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